• Histoire 1, épisode 1 - De retour

    Dans une petite chambre d’un appartement à peine meublé de la banlieue Ouest, allongée sur le matelas tout neuf que l’on vient à peine de me livrer et cernée d’une multitude de cartons à peine déballés. Ça fait un bon moment que je contemple les volutes de poussière qui virevoltent dans la percée de soleil entre les rideaux. La lumière a changé trois fois de teinte depuis le début de ma contemplation et est désormais remplie de reflets orangés. Je reprend lentement conscience du temps qui passe. Depuis combien de temps je suis allongée là ? Je me relève lentement, attrape mes malboros et secoue le paquet. Pratiquement vide. J’écarte un des rideaux du dos de la main. Il ne doit pas être plus tard que 18 heure mais le soleil est déjà bas. J’ai faim. Ça me rappelle que le frigo est vide et pas encore branché. La rue en bas, qui se pare de ses habits d’automne, ressemble au décor d’un rêve dont je n’arrive pas à me souvenir et me laisse une drôle d’impression dans le ventre. Je ne veux pas sortir. Qui aurait cru que je me retrouverai précisément dans ce quartier ?
    Pour ne pas hésiter plus longtemps, je m’élance littéralement vers l’entrée mais trébuche sur un des lourds cartons qui déverse son contenu sur le sol. Ah, merde ! Je jette un regard furieux à la multitude de petits objets futiles que j’ai du fourrer dans le carton sans réfléchir et pendant un instant j’ai une furieuse envie de tout balancer. Je ramasse en hâte le bazar, prenant à pleine main différents objets sans les distinguer et les jetant pêle-mêle dans la boite. Je ne m’attarde, presque malgré moi, que sur un seul d’entre eux : la photo joliment encadrée d’une jeune femme brune d’une trentaine d’année, look bohème, étrange, qui me ressemble un peu. Je parcours un moment des yeux les traits joyeux du visage de ma mère, jusqu’à ce que mon attention soit attiré par un petit objet brillant sur le sol. Je saisis délicatement entre mes doigts une fine chaîne en argent agrémentée de deux pendentifs enfantins. L’un représente une étoile blanche et l’autre une note de musique, une double croche noire. La vache, ça fait un baille que je les avais pas vu ces deux là, comment ça se fait qu’ils soient dans mes cartons. Je passe la chaîne autours de mon cou et galère un moment à attacher le petit fermoir. Je me rend dans la salle d’eau attenant à la chambre et me poque devant le miroir au-dessus du lavabo. Pendant de longues secondes, moi et mon reflet, on se regarde sévèrement. La chaîne est trop serrée maintenant et ce n’est plus vraiment le genre d’accessoire que je porte. Je reste un long moment à fixer le miroir, l’esprit ralentie par une soudaine lassitude et une profonde mélancolie, quand la sonnerie de mon portable me sort de ma torpeur en hurlant une vieille chanson d’Alice Cooper : « THE TELEPHONE IS RINGING … ! ». Je me précipite dans la chambre, me jette sur le matelas afin d’attraper mon téléphone et décroche précipitamment. 

    Léo – Uncle Tonny ? 

    Tonny – Hi, Léo! How are you ? Have you finished unpacking your stuff ?

    Je regarde les cartons entassés autours de moi, encore fermés. 

    Léo – Yeah… I did, no problem. 

    Tonny – I and Saïd miss you very much, you know.

    Je parviens à retenir un soupir.

    Léo – Uncle, I just left two days ago …

    S’ensuit une interminable suite de conseils et d’avertissements : ne pas oublier de bien manger, et bien réfléchir à ma spécialité à l’université, et me coucher tôt pour être en forme demain, et essayer de me tenir à carreau cette fois, et … 

    Léo – Uncle Tonny, I have to go to the store. I haven’t eaten yet. 

    Tonny – Oh, okay. Bye bye then, I call you later. 

    Léo – Sure, love you, bye bye.

    Je raccroche avant qu’il puisse rajouter quoi que ce soit, jette mon portable à l’autre bout du matelas et laisse échapper un long soupir. Mince, je ne pensais pas qu’ils me manqueraient autant. Juste en entendant sa voix, j’ai l’impression d’avoir une boule brûlante dans la gorge. Un sentiment de culpabilité. Je suis partie de la maison sans même donner d'explication à mon oncle. Ni même à son mari qui m'a pratiquement élevé. J’ai l’impression d’étouffer, faut que je sorte. Je me lève d’un bond, attrape ma veste en cuir et sors en claquant la porte.


    En quelques seconde je suis rendue en bas, je m’allume une clope et je profite des derniers rayons de soleil en me promenant dans le rues du quartier, un peu perdue. Les rues me semblent familières mais en même temps complètement étrangères. Je ne peux pas m’empêcher de regarder tout autours de moi à la recherche d’un détail, d’un souvenir. Enfin je m’arrête devant une majestueuse grille défraîchie marquant l’entrée d’un immense parc. Finalement, ça n’a pas tellement changé ici…

    Je reste un moment contemplative devant les grands arbres derrière lesquels le jour disparaît. Soudain à l’ombre, sans soleil pour me réchauffer, je frissonne. Qu’est-ce-qui m’a pris de sortir avec seulement une veste sur le dos en plein mois de novembre ?! Et c’est quoi ce quartier ?! Ça fait un quart d’heure que je déambule et je n’ai pas croisé une seule boutique. Pas même une boulangerie ! Je tourne le dos à la grille du parc. Si je me souviens bien, il devrait y avoir une supérette dans le coin. Je décide de prendre à droite. Je passe devant de nombreux petits commerces mais tous sont fermés et semblent à l’abandon. Un homme assis sur un trottoir lève vers moi son visage rougeaud et cri des paroles incompréhensibles avant d’éclater d’un gros rire gras. Je continue sans le regarder et tombe 300 m plus loin sur une vieille épicerie familiale délabrée, cachée dans un renfoncement de la rue. Je rentre en soupirant de soulagement, bien contente de me mettre au chaud, avant de me rappeler – Vite, faire demi-tour, tant pis, il y en a sûrement d’autre des épiceries dans le coin, sortir, avant d’être repérée ! Une voix retentit de derrière le comptoir. 

    ??? – Je peux vous aider, mademoiselle ?

    Je me fige, je reconnais cette voix, bien qu’elle soit plus vibrante qu’avant, fragilisée par l’âge. Je veux faire comme si je n’avais pas entendue et sortir d’ici, mais ne peux pas m’empêcher de me retourner. En face de moi, en grande partie cachée par sa caisse enregistreuse, se tient une minuscule vieille dame au visage familier. Une multitude de sensations contradictoires me submergent et je reste quelques secondes pétrifiée, fixant le regard fatigué et avenant de l’épicière, mais de toute évidence la vieille dame ne m’a pas reconnue. 

    Léo – Merci, je vais me débrouiller.

    Je me dirige à grand pas vers un étalage de fruits et légumes, m’empressant de lui tourner le dos. S’ensuit plusieurs minutes pendant lesquelles je remplis méticuleusement mon panier sous le regard curieux de l’épicière avant que cette dernière ne décide de briser le silence. 

    ??? – C’est la première fois que je vous vois dans le quartier, vous venez d’emménager ?

    Je n’ose pas croiser son regard et lui répond sans me retourner. 

    Léo – Oui, je suis arrivée aujourd’hui. 

    ??? – Vous avez un léger accent. Vous êtes Anglaise ?

    Léo – J’ai vécu pratiquement toute ma vie aux États-Unis mais je suis née ici. 

    ??? – Ah ?

    Mince, qu’est-ce-qui me prend de lui dire ça ! Maintenant la vieille dame me dévisage vraiment. Je présente mes articles à la caisse et elle me fixe en fronçant légèrement les sourcils, ses yeux disparaissent dans son visage ridé. 

    ??? – Maintenant que j’y pense vous me faites vraiment penser à quelqu’un.

    J’attends en retenant mon souffle mais le visage de la vieille s’affaisse de tristesse. 

    ??? – Mais c’est impossible, ça bien longtemps que cette personne nous a quittée.

    Puis elle attrape mon panier et commence à enregistrer mes achats. Quand je sors de la boutique, un sac de course dans chaque main, je n’ai plus aucune force dans les jambes, mais la vieille dame me regarde toujours alors je marche d’un pas faussement assurée jusqu’à l’entrée du parc dans lequel je me précipite. Je marche de plus en plus vite sur le chemin de terre qui mène au centre du parc. En passant derrière le tertre, j’arrive sur une grande esplanade où se côtoient balançoires et bancs, juste à coté d’un grand terrain de basket. Je m’effondre sur l’une des balançoires en posant lourdement mes sacs de courses, et j’enfouis mon visage dans mes mains et reste là, immobile, sans respirer. Ah, merde ! Comment j’ai pu oublier ! Cette épicerie a toujours été tenue par cette famille ! La trouille, heureusement qu’il n’y avait que sa grand-mère ce soir ! J’allume une cigarette, donne un coup de pied rageur sur le sol pour m’élancer en arrière avant de me laisser bercer doucement. Le vent froid me pique les yeux, me souffle aux oreilles. Pendant quelques minutes je me retrouve aveugle et sourde, complètement coupée du monde qui m’entoure, entièrement focalisée sur la tempête dans mon crâne. Il vaudrait mieux éviter de retourner là-bas sinon elle finira par me reconnaître. Pourquoi faut-il que je ressemble autant à ma mère ? J’ai bien fait de me teindre les cheveux avant de revenir. Si j’étais restée brune, c’était mort. Heureusement qu’elle ne m’a pas reconnue, elle l'aurait tout de suite prévenu. Qu’est-ce-que j’aurai pu lui dire s’il avait appris que je suis revenue après tout ce temps ? Quelques minutes plus tard, je finis par m’apaiser et je remets les pieds au sol, arrêtant la course de la balançoire. Je jette la clope à laquelle je n’ai même pas touchée. J’essuie mes yeux embués avec ma manche et me lève, revigorée. Mais alors que je saisis les sacs de course à mespieds, mon corps est comme parcouru d’un courant électrique et je reste paralysée. Quelqu’un. Il y a quelqu’un qui me regarde.

     


     

    Je sens qu’il est tout prêts, je n’arrive pas à savoir où exactement, je n’arrive pas à me retourner, je ne sais plus s’il vaut mieux regarder ou ne pas regarder derrière moi. Pas de panique. C'est juste un mec du quartier qui se promène. Rien d'anormal. Je finis par tourner lentement la tête et l’aperçoit, une silhouette sombre, immense et silencieuse qui me fixe. Un frisson me parcours le dos et une peur irraisonnée me tétanise. Il faut que je me calme, c’est normal à cette heure qu’il y est encore du monde dehors, ça ne peut pas être …
    Quand je décide enfin à avancer, j’ai l’impression que mon corps ne me répond plus. Il est lourd et ralentit, mes pieds se traînent dans les graviers et la poussière en raclant. Derrière moi, les mêmes raclements, plus rapides et assurés que les miens. Je tourne la tête brusquement et regarde par dessus mon épaule. Mais … il me suit ? Il est entrain de me suivre là, non ? Au prix d'intenses efforts, je parviens à forcer mon allure et j’entends que lui aussi presse le pas. Vite ! J’accélère. Derrière la colline. J’accélère encore. Encore 50m. Enfin je me met à courir ... mais lui aussi ! Arrivée en haut de la colline je dévale la pente à toute vitesse et dans ma course perd mes sacs, sans m’en rendre compte. Maintenant je cours à toute vitesse, arrive en trombe sur le chemin en bas de la pente et…

    BAM ! 

    ??? – Bordel, mais c’est quoi ça ?

    Je me retrouve projetée à terre et reste assise là, sans lever la tête. 

    ??? – Ça va, Quentin ? 

    Quentin – Cette meuf vient de me foncer dedans, putain. 

    ??? – Hé, les gars …

    Il y a un moment de silence et je sens le type que je viens de percuter passer derrière moi. 

    Quentin – Vous cherchez quelque chose, m'sieur ?

    Il y a un bruissement dans l’herbe, sur la colline, mais aucune réponse. 

    ??? – Tu ferais mieux de dégager de ma vue ! 

    ??? – Ouais les mecs comme toi, on les castre ! Allez, cours !

    Enfin les bruissements s’éloignent et disparaissent. J’ai toujours le regard cloué au sol. 

    ??? – Il est partit … Ça va ?

    Je veux répondre mais rien ne sort de ma bouche. Je veux relever la tête, impossible. Je continue à fixer mes poings serrés, posés sur le sol. 

    Quentin – Hé, on te demande si ça va alors répond bordel ! 

    ??? – Quentin !

    L'un d'eux s’accroupit en face moi, si prêt que ses mains apparaissent dans mon champ de vision, de grandes mains abîmées, pleines d’égratignures et de cloques. 

    ??? – Il est partit, tu peux prendre ton temps pour te calmer. On ne bougera pas d’ici tant que ça n’ira pas mieux.

    J’arrive enfin à lever la tête et à faire face à un groupe de 3 garçons, entre 18 et 25 ans, tous fringués de la même façon : blousons noirs, jeans noirs, couleur ou coupe de cheveux extravagantes et je devine de nombreux piercings bien que je ne distingue pas bien les visages de ceux qui sont debout. Le jeune homme accroupit tout prêt de moi doit avoir à peu près mon âge, il a les cheveux mi-longs, reflets bleu foncé au-dessus d’une base noire, attachés haut, et rasés sur la nuque jusqu’aux oreilles, de nombreux piercings, des bijoux massifs en cuir et en argent. Le genre de garçon ouvertement rebelle, qui traîne tard dans la nuit avec des loubards plus âgés et dont les adultes et les « gens biens » se méfient. Et il est là, à me regarder droit dans les yeux, la tête légèrement penchée en avant et visiblement inquiet. Je me sens étrangement en sécurité. J’arrive enfin à répondre, les yeux perdus dans le vague et la voix éraillée. 

    Léo – Thank you.

    Je viens de parler en anglais sans m’en rendre compte. Ils restent un moment silencieux. L’un des deux autres garçons émet un long sifflement entre ses dents. 

    Quentin – Hé, Marc ! C’est pas le moment.

    Le garçon accroupi me sourit, visiblement rassuré. J’essuie précipitamment mes yeux avec la paume de ma main, un peu honteuse, et relève la tête pour le remercier de nouveau. Mais il ne me regarde plus dans les yeux, il fixe ma gorge, les yeux ronds et le teint livide. Brusquement il tend la main, saisit quelque chose au niveau de mon col et je me retrouve tirée vers lui. Je ferme les yeux par réflexe. 

    ??? – Léo ?

    Le temps s’arrête. Je reste immobile, les yeux toujours fermés, en espérant qu’il s’agisse d’une erreur. Mais l’un d’eux renchérit. 

    Marc – Léo ? LA Léo ? 

    Quentin – Comment ça ? Qu’est ce que ça veut dire ? C’est qui cette fille ? 

    ??? – Tu es bien Léo, n’est ce pas ? Léonore Maillard ?

    J’ouvre un œil, son visage est quasiment collé au mien et il me scrute sous tous les angles. Dans la pénombre, j’aperçois une légère cicatrice vers le coin extérieur de son œil gauche. Ah, c’est donc pour ça. Pas étonnant que je me sois sentie en sécurité tout à coup. Je laisse échapper son nom entre mes dents, comme un sifflement. 

    Léo – Dan … 

    Marc – Alors c’est elle ?! C’est bien elle ?! 

    Quentin – Ferme là, Marc ! Daniel, c’est qui cette fille à la fin ? Pourquoi est-ce que tout le monde s’excite !

    Je veux revenir en arrière, tout effacer et faire semblant de ne pas connaître ce type. Puis, comme de toute façon je suis grillée, j’envisage sérieusement de prendre la fuite. Sauf que je n’arrive pas à me lever. 

    Dan – Merde, je n’arrive pas à y croire ! C’est bien toi.

    Je réfléchis à toute vitesse, trouver une excuse, n’importe quoi, quelque chose pour nier, mais en voyant le visage de Dan se fermer tout à coup ma gorge se serre. 

    Dan – Depuis combien de temps t’es revenue ?

    Sa voix est sèche et autoritaire. Il regarde les sacs de course éparpillés par terre et son expression se durcit encore un peu. 

    Dan – Il est au courant que t’es là ? 

    Léo – Non ! Ce n’est pas … Je …

    Mais Dan n’attend pas ma réponse. Il se lève brusquement et me tourne le dos. Je regarde de nouveau le sol et ne dis plus rien. Il y a un moment de silence pesant que personne n’ose interrompre. Puis perdant patience, l’un des deux autres garçons vient s’asseoir en tailleur en face de moi en soupirant. 

    Marc – Hé, on ferait mieux de te raccompagner chez toi, tu ne crois pas ?

     


     

    L’ambiance est lourde sur le chemin du retour. Marc s’efforce d'alimenter la conversation avec enthousiasme, mais sans succès. Tout devant, bien qu’il ai insister pour porter mes sacs, Quentin fait ouvertement la gueule. Dan marche un peu à l’arrière, sans rien dire, en regardant le vide comme s’il était en colère contre lui. Déjà, j’aperçois mon immeuble. Merde, qu’est-ce-que je dois faire ? Ce n’était pas prévu ça. Mais bon sang, pourquoi a-t-il fallu que je tombe sur lui dès le premier jour ?! Je ne m’arrête pas. Je continue à marcher sur encore deux rues avant de m’arrêter devant un grand immeuble délabré. 

    Léo – C’est là que je suis, je squatte chez une tante. 

    Marc – Ah … et où est ce que t’habite, sinon ? 

    Léo – New-York.

    Je sens Dan se retourner brusquement, presque dans un sursaut, et me fixer avec étonnement, mais je m’efforce de ne pas le regarder. Je récupère mes sacs et les remercie encore de m’avoir raccompagnée, tentant de les faire partir. Mais ils ne bougent pas d’un pouce. 

    Léo – Il faut que je monte. Ma tante va s’inquiéter.

    Marc s’approche de moi et parle dans un chuchotement que je suis seule à pouvoir entendre. 

    Marc – Je suis désolé que Daniel ai réagit comme ça … Tu devrais me donner ton numéro, quand il sera calmé il voudra sans doute te contacter.

    J’en étais sûre. C’est le moment que je redoutais. Pour la première fois depuis bien longtemps, je crois que je vais vraiment pleurer. Mais, le regard froid et distant, je laisse échapper un éclat de rire, mesquin et faux. 

    Léo – Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire.

    Personne ne répond. Je continue en fixant le sol, mes joues et mes yeux brûlant de plus en plus. 

    Léo – Désolée si je n’ai pas été assez claire mais je n’ai aucune intention de revenir comme avant. Je n’ai aucune envie de renouer les liens avec des gens qui ne représentent plus rien pour moi et je suis ravie que ce soit un sentiment partagé.

    Dan me saisit brusquement par le coude et me force à lui faire face. Son visage est très sévère et sa voix plus grave et menaçante. 

    Dan – Pourquoi tu mens ?

    Je continue à fixer obstinément le sol. Je sais que si je le regarde ce sera foutu. 

    Léo – Je ne vois pas de quoi tu parles. 

    Dan – Depuis le temps que je te connais, tu pense encore pouvoir me mentir ? J’ai toujours su quand tu étais sincère ou pas, et ça depuis qu’on est petit. 

    LéoTU NE ME CONNAIS PAS !

    Je n’ai pas pu m’empêcher de crier et les trois jeunes hommes restent figés, abasourdis. J’ai de plus en plus de mal à refouler mes larmes, mes yeux brûlent tellement que je suis obligée de les fermer. 

    Léo – Qu’est-ce-que tu sais de moi au juste ? Comment peux tu penser un instant que je suis restée la même après tout ce qui s’est passé ?

    Dan reste un moment sans comprendre. 

    Dan – Comment ça, « tout ce qui s’est passé » ?

    Je n’arrive pas à réfléchir, le seul mot qui tourne en boucle dans mon crâne est « Pourquoi ». Pourquoi ? POURQUOI ! Et tout à coup, sans raison, je suis en colère. Contre le monde entier. Ce monde qui a continuer à tourner sans moi mais qui refuse d'oublier. Je pousse alors un hurlement, tellement puissant que Dan lâche mon bras par réflexe. Libre, j’en profite pour m’enfuir à toute jambe en direction de mon immeuble, laissant mes courses en plan. Ils sont trop étonnés pour penser à me rattraper. J’arrive en moins de deux dans ma rue et monte quatre à quatre les escaliers avant de m’enfermer dans l’appartement. Je reste là, appuyée contre la porte d’entrée, plusieurs longues secondes, haletante, une boule dans le ventre, les jambes flageolantes. Silence. Ils ne m’ont pas suivis. Un goût de sang acide et chaud me remonte de la gorge et m’attaque les dents. Je glisse le long de la porte sans pouvoir me rattraper en jurant en anglais et me retrouve allongée sur le parquet du couloir. 

    Léo – Fuck, fuck, fuck …

    Tout devient noir.

    Histoire 1, Episode 2 - Ravi de refaire votre connaissance »

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